Kilomètres seize, dix-sept, dix-huit

Me voici, me voilà enfin! Fière détentrice de mon diplôme de chimiothérapie 101! Un vrai document (!) remis par l'équipe d'oncologie le 5 octobre dernier suite à mon dernier traitement (le 14e!). Une grande étape de complétée.

Je sais, je sais... Je vous ai laissé sans nouvelle depuis le 13 septembre dernier. Un mois exactement durant lequel j'ai reporté le moment de vous écrire. Tout d'abord, parce que tout allait si bien et que je n'avais qu'une envie, reprendre ma vie normale. Le retour de Martinou au boulot et l'absence d'une nounou à temps plein signifiaient pour moi le retour au train-train quotidien. Marie et Jean-Thomas à la garderie trois jours par semaine, une journée avec Mamili et Papili et une avec maman. Rythme que j'ai essayé d'adopter durant les trois dernières semaines pour réaliser que mon corps et mon esprit n'étaient pas encore prêts pour ce retour à la stabilité (malgré l'aide sporadique des grands-parents et de Loulou ma marraine énergique). Après une période « high » d'une semaine où j'ai finalement participé in extremis à la vente de garage du quartier et assisté à une journée conférence de Guy Corneau (psychanalyste ayant survécu à un cancer généralisé et dont les bouquins sont très populaires actuellement - intéressant mais encore un peu trop ésotérique pour mademoiselle la scientifique que je suis), je suis retombée très très bas. Une fatigue extrême s'est emparée de moi avec un état psychologique très difficile à surmonter, comme si tous les traitements s'étaient cumulés dans mon corps et me lançaient le signal que ce dernier en avait ras-le-bol de se faire maltraiter ainsi. Je n'ai donc pas festoyé la fin de mes traitements aussi intensément que j'aurais aimé le faire. J'ai tout de même eu le droit à un agréable souper familial et à une sortie en amoureux avec Martinou pour aller voir les magnifiques couleurs des Laurentides (et braver le trafic incroyable de l'autoroute 15 nord!).

Revenons à mes trois derniers traitements (12e, 13e et 14e). Un parcours quasi-parfait en terrain connu et assez plat. Martinou toujours au poste, massages réconfortants, infirmières attentionnées, bouillons de poulet et chocolats offerts par les gentilles bénévoles. Comme mon niveau de stress était assez peu élevé, le succès de chaque traitement dépendait plutôt de la qualité de la « piqueuse ». Malgré toute la volonté et la gentillesse de la plupart des infirmières, la capacité de bien piquer reste un art réservé à certaines fées. Et après plus de cinquante prises de sang, poses de cathéter et autres piqueries (imaginez les bras de junkie que j'ai - vivement la saison froide et ses manches longues!), je sais maintenant que mon corps ne supporte pas plus de trois piqûres de suite sous peine d'évanouissement. Ce fût le cas une seule fois durant ces trois derniers kilomètres. Chapeau à toutes les fées rencontrées sur le parcours!

Rencontre avec mon gentil oncologue cette semaine :

- Sommaire de mes 14 traitements de chimio : bonne nouvelle, mon corps a globalement bien réagi à la chimio, i.e. mes cellules cancéreuses se sont fait manger (en partie). Les tumeurs ne sont pas disparues (il aurait fallu un miracle...), mais elles sont passées de l'état "petites prunes", à l'état "fromage gruyère". La superficie à enlever reste la même, mais je suis rassurée par la capacité de mon corps à se faire soigner par la chimio.

- Comment interpréter ce difficile « down » qui m'assaille : réaction normale, pas d'inquiétude particulière pour monsieur l'oncologue. En fait mon système endocrinien (hormonal) a été complètement bousillé durant les dernières semaines (stéroïdes au max dû au décadron hebdomadaire provoquant un arrêt du fonctionnement normal de ma glande surrénale). J'ai tout de même eu le droit à quelques tests supplémentaires pour évaluer l’état de mes divers globules, enzymes, vitamines, etc. (De toute façon, ma semaine n'aurait pas été complète sans deux, trois examens médicaux!) Prescription finale du dit spécialiste : attendre que cela passe... "La plupart de mes patients en ont pour au moins six mois et souvent un an avant de retrouver toute leur énergie." Ho là! Ces charmants spécialistes savent-ils que chacun des mots qu'ils prononcent peuvent avoir un impact incroyable sur la vie de leurs patients? Je me répète donc, en tentant de philosopher : "Je vais prendre un jour à la fois. Et on verra bien." Heureusement, en ce 12 octobre, j'ai l'impression que ma glande surrénale commence à reprendre un peu le dessus... du moins entre 14h et 16h ;). Il faut dire que j'ai aussi la chance d'avoir deux jours de repos total (les enfants sont en vacances chez Mamie Mimi et Papi Laurent). Ce qui me donne par la même occasion, le temps de vous écrire.

Au menu la semaine prochaine, repos, repos, repos (sans tomber dans l'oisiveté!) et rencontre avec mon chirurgien qui fixera officiellement la date de la chirurgie. Ce prochain kilomètre, le dix-neuvième, sera une montée extrême pour la néophyte que je suis en contexte d'opération (mes seuls séjours à l'hôpital correspondent à mes deux accouchements durant lesquels je n'ai même pas eu droit à une petite incision, et encore moins à une piqûre paralysant une portion de mon corps). J'avoue que j'appréhende fortement le passage à vide que représente l'état d'anesthésie générale. Ça reste un peu épeurant de perdre la carte et d'être totalement à la merci d'une équipe soignante me connaissant depuis à peine cinq minutes (ok vingt minutes pour le chirurgien qui m'aura rencontrée deux fois avant l'opération). Je me promets donc de répéter à voix haute jusqu'à l'endormissement : "opération - cancer - sein gauche..." Ça m'évitera peut-être de me retrouver avec une jambe ou un rein en moins (je ne suis pas à une erreur médicale près depuis le début de mon marathon.) ;))

Entre temps, je poursuis autant que le temps me le permet, ma visualisation (bizarrement, je m'imagine de plus en plus sur une plage chaude, dans un tout inclus avec mon amoureux... message à qui de droit! ;)), mes cours de yoga thérapeutique, mes réconfortants moments en famille et mes sorties avec mes adorables amies. Je laisse aussi quelques espaces calendriers libres pour les rendez-vous médicaux qui ne cessent d'apparaître dans mon horaire de guérison à temps plein : échographie du sein post-chimio, test génétique BRCA pré-opératoire, prise de sang de contrôle... Finalement, je me félicite encore une fois d'avoir abandonné le protocole de recherche de l'HMR car j'aurais eu le droit à deux fois plus de tests et donc deux fois plus de stress...

Je vous souhaite à tous un magnifique weekend.

L'ex-cyto, qui est bien heureuse de ne plus laver la toilette après chaque visite ;;)